Bien-sûr, il fait beau.
Assez beau pour que le soleil darde de tous ses rayons l’hiver terminé. C’est le début de l’été. L’astre de lumière resplendit magnifiquement dans le ciel bleu et vient réchauffer cette piscine qui va enfin reprendre du service. La pauvre était condamnée à subir le froid de l’hiver sans pouvoir s’enfuir. Maigrement recouverte d’une bâche, elle était là, immobile, inutile. Mais quand le soleil pointe son nez et vient la réchauffer, la piscine ressuscite. Cette piscine n’est pas forcément la même chaque année. Une année c’est celle qui se trouve dans une résidence de la côte d’azur, quelque part vers Sainte-Maxime. Une autre, c’est celle qui est chez un ami qui nous a invité pour les vacances dans sa maison de campagne ardéchoise. Parfois même, elle est à l’étranger. Qu’elle soit chez nous, chez les autres, ou dans un hôtel, ce qui compte vraiment c’est qu’elle soit là. On arrive alors devant la piscine, serviette sur le dos. Autour de nous, les femmes enlèvent leur vêtements pour arborer fièrement leur nouveaux maillot de bain deux pièces acheté il y a peu. On assiste alors à un défilé aussi étonnant qu’original durant lequel les femmes nous livre leurs courbes élégantes. Ces fameuses courbes qu’elles nous ont caché toute l’année. Notre attention finit par se focaliser exclusivement sur leur corps révélés. Leurs maillots, aussi colorés soient-ils, n’existent plus. Elles s’allongent sur les chaises longues pour faire bronzette et cachent leurs visages derrières des lunettes de soleil. Elles étalent méticuleusement de la crème solaire sur leur peau fragile. On respire des parfums de coco et de vanille dans l’air. Sur leurs chaises longues, elles font semblant de dormir juste pour prendre le soleil. Là, elles finissent généralement par ouvrir un livre ou un magazine people qui va probablement enchanter leur après-midi.
Mais devant nous il y a toujours cette piscine, qui est là et qui nous fixe désormais avec un air de défi. Cet air joueur, qui au début, ressemblait à une invitation, semble finalement vouloir nous provoquer en duel. Un air qui nous dit « Arriveras-tu a rentrer ?… Parviendras-tu à plonger ? ». Méfiant, on regarde alors le ciel, pour vérifier qu’aucun nuage ne va venir perturber cet instant sacré. On est attentif au souffle du vent et on se prépare psychologiquement à sauter. On se demande si la piscine est si chaude que ça, ce qui nous amène mécaniquement à chercher le thermomètre flottant pour vérifier la température de l’eau. La petite barre rouge indique 28°. Ça va. Théoriquement, c’est même plutôt bien. Par prudence, on trempe un orteil et on prend un peu d’eau dans sa main pour en mettre sur son cou et dans le dos. C’est le rituel de précaution pour éviter la célèbre hydrocution que l’on n’a jamais vu de ses propres yeux (surtout à cette température là). Mais quand il s’agit de risques, on a la foi. En se versant l’eau dessus, on a tout de suite l’impression qu’elle est plus froide que prévu. On a la chair de poule au sens propre du terme, cependant le sens figuré n’est pas si loin. Mais il est trop tard. Maintenant que l’on a commencé, on ne peut plus revenir en arrière. Sinon, cela voudrait dire que c’est la piscine qui gagne. Et elle ne doit pas gagner. On est un mec ou on ne l’est pas. Alors, on se lève, on prend du recul, stabilisant ses pieds sur la terre avant de faire le grand saut. Naturellement, tous les regards se tournent vers nous car il semble évident que le premier plongeon dans la piscine est l’évènement incontournable de l’après-midi. Il captive, le premier plongeon. Maintenant c’est le moment, on doit le faire. Alors d’un seul coup, on s’élance vers le rebord. Les premiers pas sont timides, mais très vite on prend de l’assurance dans cette course qui va nous amener à sauter au-delà du rebord. On prend un ultime appui contre ce dernier et enfin en s’envole au dessus de l’eau. Il est définitivement trop tard. On retient son souffle. On prend cette dernière bouffée d’air au cas où l’on ne remonterait pas. Dans le même temps, on lève les bras vers le ciel pour parvenir à joindre nos mains tendues. C’est comme une dernière prière. On ferme les yeux. L’impact est imminent. Inévitable. La loi de la gravité l’exige. Notre envolée héroïque tombe à l’eau avec l’attraction universelle. SPLASH ! Nous voilà sous l’eau.
L’impact du plongeon laisse soudainement place à un calme immense. Dans la piscine, on entend plus les bruits de l’extérieur. Le temps s’arrête. On réalise alors que l’eau nous porte et défie l’attraction universelle l’espace de quelques secondes. En fait notre envolée se passe ici. On se sent planer. Un sentiment de liberté immense grandit en nous. On s’évade intérieurement. On oublie tous les problèmes. Finalement, on se retrouve. La jouissance est totale. On voudrait que cet instant éphémère dure pour toujours, mais malheureusement nos poumons n’ont plus d’air et il va falloir remonter. Le manque d’oxygène nous ramène à la réalité. Alors forcément, on va chercher à répéter cet instant et se mettre à replonger. Mais bien-sûr, les autres plongeons ne seront déjà plus pareil. Parce que le premier plongeon de l’été, c’est aussi le début vacances.
Ce texte vous a plu ? Il est inspiré du style de Philippe Delerm que vous pouvez retrouver dans son livre « La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules ». Pour ma part vous pourrez me lire très prochainement dans ma rubrique « Checkpoint Charly » – les questions existentielles ou presque – sur Hurluberlu. Super bisous les loulous !