J’aimerais vous parler d’un mec complètement décalé. Simon Liberati. C’est un écrivain donc j’apprécie tout particulièrement. Le genre de mec que j’aimerais bien croiser, dans la rue, pour aller boire un verre avec lui. Je l’ai découvert il y a déjà quelques années, à une certaine époque où France 2 diffusait le samedi soir une émission appelée Tout le monde en parle, animée par un certain Thierry Ardisson. Une époque plutôt lointaine donc, et où il était encore possible de voir à la télévision des mecs comme lui. Amené par Frédéric Beigbeder sur le plateau, Simon Liberati était arrivé complètement bourré mais parlait pourtant parfaitement de son livre. Ensuite j’ai lu, naturellement. Et puis j’ai aimé. Le temps a eu la désobligeance de s’écouler et maintenant, il compte désormais six livres, dont un essai et quelques parutions dans le magazine Lui. En somme, c’est un bon mec. D’ailleurs, il vient de publier un bouquin intitulé Eva qui a pour sujet sa femme. Leur rencontre et leur amour. Que c’est beau.
« Liberati habite dans les années 70 et tente de faire ressurgir la dolce vita parisienne »
J’aime les écrivains dont la vie est peu glorieuse, et qui en tirent un véritable style. Parce que quand on lit du Liberati, on le sait. Dans ses premiers romans, Liberati habite dans les années 70 et tente de faire ressurgir la dolce vita parisienne, avec des personnages qui eux-mêmes sont nostalgiques de leur présents. Comme un auteur s’inspire de souvent de sa propre vie (tout le monde le sait hein), il faut rappeler qu’il était avec Frédéric Beigbeder lorsque celui-ci a été arrêté par la police pour “consommation de drogue dure sur la voie publique”. Voulant rejouer une scène mythique de film, les deux compères n’ont pas hésité à sniffer de la cocaïne sur un capot de voiture, devant une célèbre boîte de nuit de la capitale. Les deux s’enfuient en riant ; merde, Fred a oublié sa carte bleue (oui, on s’en sert pour couper la drogue) sur le capot de la voiture. La police arrive, la case prison est inévitable ; Beigbeder écrira un livre à la suite de cette histoire : Un roman français. Simon Liberati quant à lui, déclame des poèmes et des vers en latin au flic qui lui passe les menottes. Une scène complètement surréaliste et ça tombe bien, parce que le mec est aussi un grand fan du cinéma de la moitié du XXème siècle.
« Le style est complètement poétique, tout en sobriété »
Récompensé par le Prix de Flore en 2009 avec L’Hyper Justine, on l’accuse d’être pistonné par le président du jury qui n’est autre que Frédéric Beigbeder. Décidément, là on trouve l’un, l’autre n’est jamais très loin. Pourtant, le bouquin est vraiment très réussi, et reste dans mon top 3 littéraire : un mec paumé, qui se fait passer pour quelqu’un d’autre, tombe amoureux d’une jeune fille qu’il voit sur un balcon du boulevard Haussman. Le style est complètement poétique, tout en sobriété, et rappelle sans cesse la rigueur classique qui manque parfois à certaines auteurs d’aujourd’hui. On commence à lire et puis on est déjà à la dernière page.
« Pour Antony, cordialement »
Il gagne également le Prix Fémina en 2011 pour sa rétrospective sur une actrice américaine célèbre : Jayne Mansfield 1967. C’est son premier prix, incontestable cette fois-ci, qu’il savoure amplement. Après avoir écrit l’horoscope pour des magazines, pour je cite “en dégoûter les lectrices”, Liberati est aujourd’hui un auteur français qui est sur le point de devenir incontournable. Il lui manque un tout petit peu de notoriété, un petit quelque chose pour en faire un grand auteur. La bascule de l’ombre à la lumière est sûrement difficile et aléatoire. Son dernier livre lui permettra peut-être d’attirer un peu plus de lecteurs, et de se rapprocher de son objectif d’être célèbre et… attendez. On me dit qu’il s’en fout. À un salon du livre où je vais pour le rencontrer : « Hey monsieur Liberati, je vous adore. Anthologie des apparitions c’est vraiment le seul livre que je peux lire et relire sans me fatiguer. Vous êtes pour moi l’écrivain le plus talentueux du moment, respect ». Sa réponse « Merci. Votre nom pour la dédicace ? ». Du coup j’ai un bouquin dédicacé de sa main, où il est inscrit : « Pour Antony, cordialement ». Bon pour le côté convivial, on repassera.