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Franche-Comté, mon amour!

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Avec le redécoupage des régions, mon cœur a saigné. Il a saigné parce que ma région, déjà bien oubliée auparavant, est désormais reléguée au rang de contrée sans importance ni statut, subordonnée aux ordres de Dijon.

Je parle de la si riche et pourtant si délaissée : la Franche-Comté.

Pour beaucoup de mes concitoyens Parisiens ou Provinciaux, la Franche-Comté est synonyme de rusticité. Dans un sens, c’est vrai : il s’agit de la région la plus verte de France dont plus de la moitié du territoire est recouverte de forêt, un quart par des champs et le reste par de l’agglomération.

Il faut également admettre que notre patrimoine culturel repose aussi en grande partie sur ses spécialités locales dont certaines ont percé au-delà des frontières comtoises. J’entends par là l’inimitable Comté, la fameuse saucisse de Morteau, voire, pour les plus aguerris, le succulent Morbier ou la très douce Cancoillotte.

Et c’est sans compter sur ces vins du Jura à la saveur si particulière, dont Philippe Le Bel et surtout Henri IV étaient particulièrement friands, ou la fameuse absinthe récemment réintroduite dans le marché, ainsi que notre pastis local : le Pontarlier-Anis.

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Manger en Franche-Comté, ou comment prendre 20 kilos en 30 minutes.

Mais réduire la Franche-Comté à son caractère rural et à ses spécialités culinaires relève de la plus haute ignorance.

Notre histoire est brillante et les francs-comtois le sont aussi. Ce n’est pas du chauvinisme, c’est un constat.

Notre population stagne depuis près d’un siècle. Nous avons laborieusement dépassé la barre des 1 500 000 habitants au moment du baby-boom, ce qui fait de la Franche-Comté une des régions de France les moins peuplée. Et pourtant, lorsque l’on s’intéresse aux personnalités nés « par chez nous » et que l’on rapporte leur nombre à celui de la population régionale : on obtient un ratio impressionnant.

Citons simplement à titre d’exemple Louis Pasteur et la découverte du vaccin contre la rage, le Comte De Jouffroy d’Abbans qui inventa le bateau à vapeur, les Frères Lumières qui furent à l’origine du cinéma ainsi que ces industriels dont la renommée a traversé les âges : Louis Vuitton et Armand Peugeot !

La Franche-Comté n’est donc pas la terre aussi morne et stérile que les mauvaises langues ont l’habitude de décrire.

Franche-Comté : Terre d’histoire et de résistance

Ma contrée rentre dans l’histoire dès l’Antiquité. Les Séquanes, peuple de cavaliers gaulois dont le territoire s’étendait en grande majorité sur ce qui s’apparente à la Franche-Comté actuelle, avaient pour capitale Vesontio (= l’actuelle Besançon).

Ils sont mentionnés pour la première fois dans la Guerre des Gaules de Jules César, qui explique être intervenu en raison de la menace que faisait peser le germain Arioviste sur les terres de ces antiques comtois.

Cette intervention s’est rapidement transformée en occupation et c’est de cette façon que la terre des Séquanes est alors annexée en tant que province romaine.

La Porte Noire de Besançon : vestige romain qui perdure encore aujourd’hui.

Le temps passe, les rois, seigneurs, princes et comtes se succèdent à la tête de la région pendant près de 1000 ans et pour autant, la Franche-Comté n’est jamais dirigée par la même puissance plus de 20 ans.

Pendant plusieurs siècles, la Franche-Comté est d’ailleurs appelée Comté de Bourgogne, par opposition au Duché de Bourgogne, qui sont tantôt réunis, tantôt séparés selon les affres des alliances féodales.

Finalement, c’est par la force des armes que Louis XIV prend possession de la Franche-Comté et intègre définitivement cette province à la France en signant le Traité de Nimègue de 1678.

Historiquement, les comtois ont toujours eu du mal avec les maîtres. Cette indépendance d’esprit se manifeste d’abord par la devise régionale « Comtois rends-toi, nenni ma foi » qui est issue de la tentative de siège de la ville de Dôle par les français.

Ceux-ci avisèrent les dolois en ces termes : « Comtois, rends toi ! » ce à quoi les assiégés répondirent « Nenni ma foi ! ». Les assaillants demandèrent alors : « Où sont vos chefs ? » et les dolois rétorquèrent superbement : « Nous sommes tous chefs ! ».

Mais cet esprit de révolte et d’opiniâtreté transparait également dans l’œuvre de certains illustres franc-comtois. J’entends par là les pères de l’anarchisme et de la philosophie du « Ni Dieu, ni maître » : Charles Fourier et Joseph Proudhon. Mentionnons également le merveilleux Gustave Courbet et son « Origine du monde » aussi subversive que scandaleuse pour les biens pensants du XIXème siècle.

Et que dire de Rouget de Lisle, cet habitant de Lons-le-Saunier que personne ne connaît mais dont tout le monde (ou presque) a appris la célèbre… Marseillaise !

(J’ai oublié de citer Victor Hugo, même s’il n’a pas été Franc-comtois très longtemps)

Malheureusement, cette identité est en passe de devenir bourguignonne et se voir ainsi diluée au sein d’un moule que l’on veut économiquement plus rentable. Mais avant de détruire les régions, il aurait peut-être fallu envisager de supprimer le « mille-feuille administratif local » qui perdurera même avec la réforme territoriale.

J’entends par là tous les conseils municipaux, communautés d’agglomérations, conseils départementaux, conseils régionaux, et j’en passe, qui ne contribuent certainement pas à une plus grande efficacité de l’administration locale.

Quoiqu’il en soit, et peu importe ce qu’ordonne Paris, je reste et resterai un Franc-Comtois.

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