Bénéficiant d’un rayonnement culturel historique, la langue de Molière s’est imposée pendant plusieurs siècles comme la langue de la diplomatie par excellence. Dès le XVIIe siècle, les Cours royales d’Europe avaient pour usage de négocier en français. La précision et la rigueur de notre idiome national en faisait sans aucun doute un précieux outil permettant d’éviter de dangereux contresens. A l’époque, tous les traités étaient écrits en français et l’usage voulait que le prince reçoive ses hôtes en leur souhaitant la bienvenue en français. Toutes les Cours se prêtaient à cette tradition, y compris l’aristocratie britannique elle-même.
Au XVIIIème siècle, le français s’exporte au-delà de la Méditerranée, de l’Atlantique et du Pacifique, à travers l’immense empire colonial français. Lourdement armés de leur vision universaliste du monde, les colons l’enseignent aux peuples vernaculaires et cet héritage perdure encore aujourd’hui puisque le français demeure la langue administrative, si ce n’est officielle, d’un grand nombre de ces pays.
Aujourd’hui, amoindri face à l’omniprésence de l’anglais sur la scène internationale et à un mandarin conquérant dans les rapports économiques, le français peine à conserver son statut de langue diplomatique par excellence. Notons qu’elle demeure langue officielle de l’Union Européenne au même titre que la langue de Shakespeare, idem concernant les Nations Unies. De la même façon, le français est la langue officielle des Jeux Olympiques, ceux-ci ayant été fondés par notre très frenchie Baron Pierre de Coubertin.
Français LV1 en 2050
Revenons à présent sur une étude qui a interpellé votre dévoué serviteur avide d’anecdotes amusantes. Celle-ci, produite par la banque d’investissement Natixis en 2013, prédit que le français sera la langue la plus parlée au monde en 2050.
Étonnant ? A priori, pas tant que ça. L’étude s’appuie sur la croissance démographique explosive que connait l’Afrique dans sa globalité. Le continent devrait atteindre 4,5 milliard d’individus en 2050. Ce boom propulserait le nombre de francophones à 800 millions à travers le monde contre 220 millions à l’heure actuelle, devant l’anglais qui aurait plutôt tendance à diminuer dans les prochaines décennies. Voilà de quoi ravir notre « ego idiomatique ».
Des prédictions à relativiser
Malheureusement, l’étude est critiquable sur plusieurs aspects. En premier lieu, elle émane d’une institution française ce qui, d’emblée, remet en cause sa crédibilité scientifique. L’idéal aurait été de voir cette étude publiée par un organisme gouvernemental, osons-le, anglais afin de difficilement remettre en question l’impartialité de ces instigateurs.
Cela étant, là ne réside pas son seul défaut. En effet, les méthodes employées sont, elles aussi, sujettes à controverse. Il est notamment reproché à l’étude de comptabiliser de façon très générale les pays disposant du français comme langue administrative ou officielle. Force est de constater à ce niveau que le français est loin d’être réellement maitrisé par l’intégralité des populations visées. A titre d’exemple, citons la Belgique, la Suisse ou le Luxembourg dont les populations ne sont pas en toutes francophones. Le même problème se retrouve également dans les Etats africains, au sein desquels s’ajoute, outre les difficultés liées à la coexistence de plusieurs dialectes régionaux, un fort taux d’analphabétisme ne facilitant certainement pas l’apprentissage du français.
Enfin, l’étude semble ignorer toutes les possibilités géopolitiques susceptibles de secouer le globe en trente-cinq ans. Il est bon de rappeler qu’il y a autant de temps en arrière, le russe était réellement la deuxième langue la plus parlée au monde, le mur de Berlin était encore solidement fixé et les français avaient parié sur le Minitel plutôt que l’Internet.
Concrètement, l’influence de la Chine à travers le monde a tout simplement été relayée au second plan au motif que le mandarin n’est pas une langue dite « internationale ». Au-delà de l’absence de définition claire et justifiée de ce qu’est une langue « internationale », on peut légitimement s’interroger quant à l’absence du mandarin dans cette étude.
Un raisonnement tout à fait analogue peut être appliqué à la langue arabe. Si l’on doit croire cette étude, la langue arabe est censée être parlée, logiquement, dans l’intégralité des pays arabes, ces pays étant sujets pour la majorité d’entre eux à une très forte croissance démographique. Pourtant, rien n’est dit à leur propos.
Alors que penser de l’avenir de notre langue ? Certes, il est difficile de répondre à cette question sans être Nostradamus. Mais nous avons quelques pistes pour forger cet avenir nous même, plutôt que de l’attendre passivement. L’usage d’une langue à travers le monde est, sans conteste, le résultat de son rayonnement international. Pour que le français s’exporte à nouveau à travers les frontières, peut-être nous faut-il commencer par retrouver un semblant de crédibilité sur la scène mondiale ?