Exile on main St – The Rolling Stones
“En ce temps-là, nous étions jeunes, beaux et stupides, maintenant nous ne sommes que stupides.” C’est avec ces mots que Mick Jagger présentait, il a quatre ans à Cannes le film “Stones in Exile”de Stephen Kijak, consacré à l’enregistrement du mythique “Exile On Main st.”
Unique double album studio des Rolling Stones, ce disque enregistré dans le sud de la France a vieilli comme un bon vin et fait aujourd’hui partie des classiques du rock.
De l’exil de survie à la gloire retrouvée, histoire d’un chef d’œuvre
En 1971, le groupe était ruiné. Ayant été escroqués par l’homme d’affaires Allan Klein, les Stones croulaient sous des dettes tellement énormes qu’il leur était impossible de les rembourser. La mort de l’ancien guitariste Brian Jones, puis le décès d’un jeune spectateur noir au concert d’Altamont organisé par les Stones en 1969, abus notoire de drogues, sexualité débridée…le groupe était dans l’oeil du cyclone depuis trop longtemps, et les menaces du fisc furent probablement le “goutte d’eau”qui poussa les Rolling Stones à se réfugier en France, à la Villa Nellcôte à Villefranche sur Mer.
La Villa Nellcôte, louée à l’époque par Keith Richards, devint le refuge des Stones, de leurs amis, comme des authentiques parasites qui entourent toujours les grands groupes. Cet exil ne fût jamais envisagé par les Stones comme une opportunité de s’acheter une conduite, bien au contraire.
Leur été français ne fut qu’une longue fête. Sex, Drugs & Rock n’Roll érigés en principe, la police locale s’en souvient encore. Mick Jagger en a aussi profité pour se marier avec Bianca à Saint-Tropez, sous l’oeil de Roger Vadim. Et entre les verres, les rails de cocaïne, les shoots d’Héroïne, les joints de weed et les orgies sexuelles, les Stones ont trouvé le temps d’enregistrer un monument, hommage à la musique populaire américaine de par ses inspirations blues, soul, rock et gospel : Exile on Main Street.
Un des meilleurs albums des Stones
Alors que l’on célèbre cette année, le cinquantième anniversaire de la sortie du premier album éponyme des Stones, Exil on Main Street, et l’un des tout meilleurs albums du mythique groupe.
Pourtant lorsqu’on regarde le panorama du rock de l’époque : Ziggy Stardust de Bowie, Transformer de Lou Reed, l ‘âge d’Or de la soul, ou même le zénith de Led Zeppelin, on se dit que les Stones ont déjà une place de reliques dans le tableau. Pourtant, par cet album les Stones, ont réussis ce que personne n’a réussi, sortir un album de l’enfer.
Lors de sa sortie en 1972, l’album reçut un accueil assez mitigé. Ce qui n’empêcha pas les Rolling Stones de partir pour une tournée triomphale qui leur permit de renouer avec leur public. L’album ne contient pas de “tubes”majeurs, mais le blues y est omniprésent. All Down The Line, Shake Your Hips, Sweet Virginia… Tous ces morceaux ne sont sûrement pas des hymnes pour les stades, mais ils font probablement partie de ce que les Rolling Stones ont fait de mieux.
On trouve aussi sur l’album l’excellent “Stop Breaking Down”, au son lourd, chargé de blues. A l’origine, une composition du légendaire bluesman Robert Johnson datant d’à peu près 1937. Les Stones l’on accéléré, amplifié et alourdit.
Rien d’étonnant à ce que, 30 ans plus tard, ce morceau soit repris par un guitariste de talent : Jack White, sur le 1er album des White Stripes. White reprend le morceau à son compte et l’alourdit encore, faisant hurler le blues épais de sa guitare. Il qualifiera plus tard ce 1er opus comme étant “le plus furieux, le plus cru et le plus puissant”des White Stripes.
Tout a été dit sur l’ambiance des séances de Nellcôte et la cour de parasites junkies qui hantaient la résidence française de Keith Richards. Ce qu’il est surtout important de rappeler pour comprendre le disque comme le rappelle Bill Wyman dans son livre “Rolling with The Stones“, c’est que la résidence de Nellcôte a avant tout été choisie pour s’assurer de la présence permanente de Keith Richards en studio !
Le groupe se moquait alors (dans les deux sens du terme) de l’absence d’un Jagger obsédé par le train de vie de jetsetter et bien encouragé dans cet état d’esprit par sa nouvelle femme Bianca. Du coup, le chanteur se trouve la plupart du temps à Paris quand le groupe enregistre sur la Côte. Ce qu’il en résulte est un disque de rock vaporeux, instinctif, parfois bâclé, mais en permanence sauvé par le panache fantastique de Keith Richards. “Exile“ est un coffre au trésor de chansons inutiles et non tubesques, mais au charme fou comme “Casino Boogie“, “Torn And Frayed“ “Turn On The Run“ ou“Ventilator Blues“.
Mick Jagger ne semble jamais totalement cautionner l’entreprise (il exprime d’ailleurs toujours depuis un certain mépris pour le culte réservé à ce disque), et c’est cela qui donne à sa participation une authenticité bienvenue comparée à la posture parodique qu’il n’a que trop souvent adoptée par la suite. Si un seul morceau est le dépositaire de l’âme de “Exile“c’est sans doute “Loving Cup“ une des dernières chansons enregistrées par les Stones qu’on sent réellement venue du cœur.
En tout cas, vous savez ce qu’il vous reste à faire cet été: louer une grande baraque sur la côte, inviter vos amis, vos copines, vos potes et leurs copines, et faire de la musique, de la peinture, de la vidéo, de la sculpture, écrire des poèmes…et avoir un pote photographe qui prendra des photos de tout ça. Parce que l’album “Exile on Main st.”a beau être un excellent disque, on ne peut s’empêcher en l’écoutant de penser à ces types qui incarnaient à 200 % le mythe de leur époque.
Cet album a une histoire particulière, l’histoire d’un rythme de vie. La vie de ces roast-beefs amoureux de musique noire, dézingués et pourtant au sommet de leur art, exilés de luxe dans une magnifique Villa sur la Côte d’Azur, à travailler leurs riffs, défoncés sous les moulures des hauts plafonds.
C’est ainsi que le rock est grand et c’est pour ça que c’est CULTE..
(crédit photo Slate et Dominique Tarlé)