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Littérature – Étienne Liebig « On est toujours le con d’un autre »

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Il y a des questions qui demeurent toujours sans réponses, l’existence de Dieu, la recette exacte du Coca-Cola, ou les deux buts de Thuram en demi-finale de coupe du Monde, mais s’il y a bien un truc dont je suis sûr, c’est « qu’on est toujours le con d’un autre ». C’est cette règle immuable que semble oublier Étienne Liebig dans son ouvrage « les Nouveaux Cons ».

Étienne Liebig, tu nous parles de quoi ?

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Étienne Liebig, 57 ans, aucun lien avec une quelconque marque de soupe, est musicien, compositeur, éducateur spécialisé auprès d’adolescents de Seine-Saint-Denis, mais aime critiquer dans Zélium et chroniquer aux Grandes Gueules de RMC. À ses heures perdues, le mec écrit avec talent pour notamment dénoncer le fléau de l’humanité : la connerie.

Dans son essai publié il y a maintenant trois ans, récemment réédité, Étienne Liebig critique avec humour et esprit tous les comportements qui irritent. Il nous présente ainsi un portrait de ces nouveaux cons : le nouveau manifestant, le vieux gauchiste, le syndicaliste, l’écolo, la nouvelle « maman », le prévisionniste, l’imitateur de banlieusards, le nouveau retraité, le jeune militant de droite, le blogueur, la nouvelle féministe, le nouveau toxicomane, l’artiste humanitaire, l’élève d’école de commerce et j’en passe.

C’est bien écrit, souvent drôle, parfois de mauvaise foi, voire irritant lorsque l’on se sent écorché par la plume du bonhomme. Un seul défaut peut-être, le fait que l’auteur n’ait pas fait au préalable son autocritique avant de s’élancer à l’assaut de la société française. Mais en toute franchise, pour moins de 5 euros, vous allez quand même en avoir pour votre argent. . .

Étienne Liebig, le justicier masqué

 

 
les-nouveaux-cons-182x300Pour vous donner envie de vous pencher sur l’ouvrage, on a sélectionné notre con préféré, le François Pignon du recueil, la victime de choix: l’étudiant en école de commerce.

« Voilà un drôle de loustic, qui croit aller à l’école pour apprendre quelque chose, et dépense une fortune à faire vivre de pseudo-professeurs incompétents. Il joue au professionnel de la profession alors qu’il se prépare surtout à vendre des savonnettes ou quelque chose d’approchant, s’il n’a pas un père, un oncle ou un frère qui possède son entreprise. Ce n’est certes pas la seule formation qui fait miroiter à ses élèves des places en or et des salaires mirifiques pourvu qu’ils alignent la monnaie et se payent des cours indigents à des tarifs prohibitifs, mais c’est la plus caricaturale.

Ces petits cons sont absolument persuadés qu’ils passent d’année en année grâce à leur valeur et au travail fourni alors qu’en fait, ils récoltent les fruits de leurs paiements. Je paye donc j’obtiens le diplôme. Diplôme qui dépend de l’école elle-même et attire une soi-disant reconnaissance nationale, comme l’indiquent chaque année des dizaines de canards à la mords-moi-le-nœud sous le titre «Le classement des meilleures écoles de commerce ». C’est un jeu national où chacun fait semblant de croire que le diplôme délivre une quelconque compétence dans le domaine du commerce.

Dans les faits, le seul intérêt de ces boîtes est d’envoyer des élèves en stage durant lesquels ces petits exploités se font des relations et des amis s’ils sont sympathiques et tiennent l’alcool. Chacun sait maintenant que tout le monde peut accéder à ces écoles de commerce, pourvu qu’il paye et qu’une toute petite minorité trouvera un boulot à la hauteur de ses espérances en fin de cycle. Certes, le savoir dispensé dans ces « schools » n’est pas plus bidon qu’en fac de lettres, de psycho ou de socio, mais au moins les élèves de fac ne se la pètent pas et sont conscients que s’ils perdent leur temps, du moins ne perdent-ils pas leur argent.

En fait, on a l’impression que ces braves cons jouent une pièce de théâtre dans laquelle ils prennent toutes les apparences du «commercial qui vend des puits de pétrole à des émirs»: le bon costard, les bonnes chaussures vernies, le bon attaché-case, le bon ordinateur, la bonne coupe de cheveux, le bon sourire de carnassier. Ils ne marchent pas, ils courent, bouffent dans des restos, font des fêtes, s’alcoolisent, s’en mettent plein le nez et niquent les jolies filles de leur promo qui leur ressemblent, mais en blondes à cheveux lisses.

Ils vivent la vie des commerciaux de grosses boîtes, boivent comme eux, se sapent comme eux, baisent comme eux et lisent le Financial comme eux, mais pour rien. Juste pour le fun. Une sorte de foi du charbonnier : Fais semblant d’y croire et bientôt tu y seras. Quelle blague, car sortis de ce rêve, ils se retrouvent à faire du quasi «porte-à-porte »ou du démarchage téléphonique pour gagner un SMIC et se faire insulter par un petit adjudant sous-titré qui n’a fait aucune école de commerce, mais connaît la loi des chiffres et du rendement maximum avant délocalisation. Dix ans après la fin de leurs études, ils portent encore le même costume et les mêmes pompes et sont trop déconnectés de toutes les réalités économiques pour pouvoir décrocher un éventuel boulot à la hauteur de leur putain de diplôme qu’ils ont encadré et accrocher au mur au-dessus de la photo de leur stage en Inde, quand ils croyaient tenir le monde entre leurs mains. »

À la prochaine

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