Un lundi soir pénard, on se balade sur Internet, short de bain et Charentaise anglaise. C’est qu’on aime se balader sur la toile, « nous autres les jeunes ». Au détour d’un article du Monde, on descend en bas de la page pour aller lire le plus intéressant : les commentaires. En effet, sur ces sites d’informations, un peu intello, se ruent toutes sortes d’individus, qui derrière leur poste d’ordinateur et sous couvert d’un pseudo bien ringard, s’insurgent ou s’encanaillent de l’actualité du jour. Le point commun de ces « commentateurs impulsifs » digitaux outre la culture très approximative du sujet qu’ils traitent, c’est leur affection démesurée pour les références historiques douteuses. Au milieu de ce remue-ménage d’intellectuels à la sauce Wikipédia, il y a toujours un moment où l’un d’entre eux va forcément traiter l’autre de « SS / Hitler » ou faire une comparaison foireuse sur le nazisme, c’est à ce moment-là que l’on touche du doigt, le point du Professeur Godwin.
Lorsque l’Internet brasse la connerie : c’est le paradoxe du point Godwin.
C’est en trainant sur le réseau Usenet que Mike Godwin, un avocat américain, a remarqué que plus les mecs s’embrouillaient plus la probabilité qu’ils en viennent à parler du nazisme s’approcher de 100%. Outre le fait de prouver que le droit menait vraiment à tout, Godwin a sans doute développé la plus belle loi empirique de toute l’histoire de l’humanité. C’est à dire quelque chose que l’on a prouvé grâce à des exemples et qui ne repose sur aucun fondement théorique, avouez que c’est ouf…
Bref, pour en revenir à la théorie du bon maître Godwin, on dit donc que la conversation a atteint son « Point Godwin » et on ferme la discussion afin de repartir sur des bases saines. « Le point G »est en quelque sorte un carton rouge qui signifie que le débat va « trop loin ». Le problème, c’est que comme en Ligue 1, les arbitres autoproclamés, que sont les Internautes, sont vraiment mauvais et l’utilisation abusive du terme anéantis tous ces effets.
D’abord, parce que même si Godwin a théorisé sa loi avec le Nazisme, elle peut s’appliquer à chaque débat au cours duquel les protagonistes utilisent des arguments issus d’idéologie extrême. À ce titre, le communisme, l’anarchisme et tous les mouvements d’extrême gauche peuvent être à l’origine d’un point Godwin. Ensuite, parce qu’on a constaté ces dernières années, un regain d’affection pour l’utilisation abusive du terme par les Internautes francophones, et il est presque impossible d’avoir un débat sans que l’on arrive au point critique de Godwin, comme si la théorie était elle-même enfermée dans une autre théorie, celle de se dire, que : les gens bêtes, incultes et à court d’arguments, en arrivent toujours aux mêmes conclusions lorsque le débat ne tourne pas en leur faveur.
Le troll : le con 2.0
Ce que nos grands-parents auraient appelé« un gros con », le Petit Larousse illustré version 2014 l’appelle un « troll », « une personne qui participe à une discussion ou un débat dans le but de susciter ou nourrir artificiellement une polémique ».
Est-ce la nature même du Net (facile d’accès, anonyme) qui transforme n’importe quelle discussion en défouloir ? Autrement dit : «Internet rend-il méchant ? », la nature humaine est ainsi faite et personne n’est à l’abri de dire une très grosse connerie – Personne ne naît troll, tout le monde peut le devenir. Homme, femme, banquier, chômeur, ministre, étudiant, secrétaire. Aucun profil type, mais une logique simple : une opinion d’Internaute déplaît, un autre riposte ; et c’est l’engrenage.
C’est comme au café PMU du village, les mecs s’insurgent, s’insultent, se jurent l’un et l’autre de détenir la vérité. Mais la différence c’est qu‘ils sont bien planqués derrière leurs écrans d’ordinateur, short de bain et charentaise anglaise, bien planqués derrière des pseudonymes bien idiots.
Cambert71 : « Sacré gros con de nazie, va ! ».
Petitchat93 : «Ca y est, c’est le point Godwin. Bien joué champion »
Hulubberlu : « … »
C.